
Villa Ballester. Un bidonville à une heure de Buenos Aires. Les maisons (ou abris) sont le plus souvent faites de tôle ou de morceaux de bois posés les uns sur les autres. L'eau courante est rare. Le quartier est dangereux. La drogue y est omniprésente: le paco. Fabriqué à partir des résidus de feuilles de coca, le paco est considéré par les argentins comme la drogue la plus dangereuse et la plus addictive sur le marché. Loin devant l'héroine et le crack... Une dose se vend un peso (16 centimes d’euros)
CASA DEL NIÑO - Buenos Aires


En plein milieu de tout ça, un lieu d'accueil pour les enfants du quartier ouvert il y a près de vingt ans. Le but à l'origine était d'offrir aux enfants un lieu où passer la matinée (les écoles publiques en Argentine ne sont ouvertes qu'à la demi-journée) dans lequel ils puissent jouer, se nourrir convenablement et recevoir des soins médicaux. Le lieu est prêté par une oeuvre caritative.

Des locaux tout en longueur sur deux étages.

Une cuisinière y prépare plus d'une cinquantaine de repas par jour, le déjeuner des enfants, leur assurant une alimentation convenable. Les aliments sont donnés par des écoles environnantes.

Récupérés ici et là, des vêtements sont mis à la disposition des habitants du quartier.

L’infirmerie où se relaient un pédiatre, une obstétricienne, un médecin généraliste et une psychologue, pris en charge par l'État. Un dentiste y vient également une fois par mois. Ces soins sont à la disposition des familles du quartier, qui n'y font que peu souvent appel, selon la directrice, mais cela semble être en voie d'amélioration.
L'infirmerie est dans un état de délabrement avancé, suite à une inondation.

Dans le prolongement du couloir, la cour où les enfants peuvent courir, faire du toboggan, jouer, et marcher sur la ligne blanche, élément essentiel dans une ambiance Montessori 3-6 ans.

Depuis maintenant 4 ans, la casa del niño a adopté pour les enfants qu'elle accueille la pédagogie Montessori. La fondation Montessori Argentine a offert la formation d'éducateur 3-6 ans à une éducatrice. La majeure partie du matériel est fabriquée par les éducatrices.


Les débuts furent très difficiles, me raconte Graciela, la directrice. Les enfants s'arrachaient le matériel, le cassaient, ne le remettaient jamais en place. Puis, petit à petit, les enfants se sont posés. Ces enfants qui arrivaient pour la plupart sales, violents les uns envers les autres, n'écoutant pas les adultes, se sont transformés. Ils parlent plus bas, font les choses plus doucement, apprennent à attendre, à partager..
Les enfants ont gagné une belle sécurité intérieure…

De l'ordre dans toutes leurs activités, dans leur façon de penser et d’agir.

Le choix: Les enfants savent maintenant qu'ils peuvent choisir ce qui est bon pour eux. C'est un aspect très important pour la directrice qui répete cela plusieurs fois lors de notre entretien. Elle définit même cela comme le but de leur travail: Donner aux enfants la possibilité de penser, de décider et de savoir qu'ils peuvent étudier, travailler, et sortir un jour du « barrio »

Les connaissances: Ils se rendent compte de tout ce qu'ils peuvent apprendre, comprendre et s'ouvrent sur le monde. Un père a raconté un jour à la directrice avoir appris par le biais de sa petite fille de 5 ans l'existence des continents et des pays

Des résultats: Il y a encore quelques années, les enfants de ce quartier étaient les derniers de leurs classes. Aujourd'hui, après être passés par le jardin d'enfants Montessori de la casa del niño, ils sont dans les premiers. Certains savent lire à 5 ans. Tandis que leurs grands frères et sœurs qui n'ont pas eu la chance de passer par là, ne savent pas toujours.

A l'étage, les 6-15 ans. Pour eux, il n'y a pas de classe Montessori, mais des ateliers. Ici, l'atelier de menuiserie, équipé de matériel et d'un professeur menuisier de profession. Des ateliers sont offerts aux papas aussi.

La feria Americana: Aujourd’hui, les garçons façonnent des petits objets de décoration pour noël que les filles vont peindre, et qui seront vendus la semaine prochaine à la "feria americana"qui se tient dans un quartier voisin, ceci dans le but de récolter des fonds pour le fonctionnement de l’école.

Pendant ce temps là, les filles se rafraîchissent dans la cour, il fait environ 40°C ce matin!


Un seau d'eau sur la tête par la maîtresse, 40° ou pas, ça fait toujours bien rire les copines.
Une menace de fermeture pèse sur la casa del niño. En raison des difficultés économiques du pays, le gouvernement ne donne plus ce qu'il avait l'habitude de verser. L'école est à la recherche d'aide, de fonds, de matériel, de bénévoles.
Si la situation perdure, le lieu ne pourra plus fonctionner. Le personnel (hormis les bénévoles) sera obligé de chercher du travail ailleurs. Les professeurs me parlent de la situation les yeux mouillés pendant que les enfants rient et s'amusent innocemment autour de nous, ignorant que ce lieu qui peut ni plus ni moins sauver leurs vies, va peut-être devoir leur fermer ses portes.